jeudi 11 février 2010

La couverture d’Arts magazine ; un argument d’autorité et une juxtaposition flattant l’art officiel contemporain.( Par Lapa)

Voici un autre article de Lapa qui ne semble pas arriver à passer la modération. Il démontre combien il est facile d’imiter les analyses de Paul Villach à coup de "métonymies", "intericonicités" et autres "leurres d’appel" divers et variés et que sa « boîte à outils » qu’il pompeusement qualifiée de « Théorie de la relation d’information » peut être utilisée à raconter n’importe quoi.
Nous ne savons pas combien cet article a eu de votes favorables, mais c’est plus de cinq avec certitude.


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On n’en revient toujours pas. La couverture du mois de février d’Art magazine, mensuel dédié aux beaux arts, était plutôt avenante. On pouvait y reconnaître la Vénus de Sandro Botticelli, célèbre artiste du XVème siècle prisé des collections florentines, ce qui semblait de bon augure. Las, l’analyse un peu plus poussée de cette une nous indiquait clairement l’entretien d’une confusion intellectuelle ayant pour seul but de conforter le choix des artistes officiels.





Un leurre d’appel sexuel évident.

Le cadrage en gros plan de face sur un fond azur, coupant une partie de la chevelure et le reste du corps crée une mise hors contexte qui concentre le regard sur la femme seule. L’expression de mystère est renforcée par l’amputation des parties annexes du tableau pour se concentrer sur la légère inclinaison de la tête, contrepoint harmonieux de celle du cou fin et délicat.

Le regard, selon le leurre de l’image en abyme simule une relation interpersonnelle troublante avec le lecteur. Une relation érotique, bien sûr -Vénus n’est-elle pas la déesse de l’amour ?-, largement suggérée par la blondeur incendiaire des cheveux et le ruban blanc virginal dénoué qui les laisse abondamment vagabonder. Chevelure libérée suggérant par métonynie le zéphyr qui, hors cadre, caresse le visage de la douce. Le but est bien de simuler par l’image une pulsion d’adhésion au discours qui prévaut sur la couverture.

L’atemporalité et universalité comme procédés argumentaires

Difficile dans ses conditions, d’appréhender la Venus Anadyomène du XVème siècle. De la tempera montrant la naissance de la déesse – événement précis d’une histoire mythologique- , sortant d’une coquille portée par l’écume de l’onde, entourée d’autres divinités ou allégories ; nous n’avons ici qu’un gros plan utilisant la mise hors contexte géographique et temporelle. Dès lors, l’œuvre devient totalement atemporelle et tend à l’universalité.

Sommes-nous en présence d’une peinture du XVème, XIXème ou d’un dessin plus moderne ? De même, la symbolique ivoire de la peau et l’esthétisme confirment une ascendance de sculpture classique, et, par intericonicité, nous renvoient à l’ensemble des figures classiques de l’histoire de l’art. La vénus est ainsi destituée au profit du portait terriblement classique et moderne d’une jeune femme à la sensualité troublante. Une œuvre tendant à l’universalité qui va devenir un argument essentiel de la confusion intellectuelle voulue par le magazine.

Un aphorisme lourd de sens

Le texte s’associe parfaitement à l’image. Le mot « mystère », bien mis en avant, répond par effet miroir à l’attitude mystérieuse de la jeune fille que nous sommes obligé d’imaginer puisque ne subsiste d’elle que la tête. Le nom de l’artiste, comme une signature de la couverture, apparaît en grandes lettres.

En plus petit néanmoins, « Un génie incompris » nous affirme de manière péremptoire le magazine. On ne se lasse pas de cet aphorisme. Car quoi, comment peut on considérer qu’un artiste est un génie si on ne le comprend pas ? Voilà qui est bien singulier. Le fait d’être incompréhensible ne devrait-il pas a contrario être rédhibitoire quant à l’utilisation d’une terminologie aussi extrême ? On est en droit de le penser. Mais visiblement ce n’est pas le cas des officiels. Cet aphorisme est même essentiel pour entraîner le lecteur, par un leurre de juxtaposition et un argument d’autorité à une confusion intellectuelle évidente.

La juxtaposition comme illusion égalitaire

On en vient à l’élément a priori anodin de la couverture, la photo de l’œuvre d’une certaine Frida Kahlo. La légende la présente comme si nous étions déjà censés la connaître ; utilisant le leurre de proximité pour créer le consensus.

Cette miniature semble reprendre en contrepoint et de manière plus éloignée, par un procédé d’élargissement, la figure esthétique et reconnue de Botticelli. En effet l’on entr’aperçoit une femme, regardant pareillement légèrement sur notre gauche, dans un vêtement blanc où les rubans semblent les reflets de ceux de la Vénus. Le tableau stimule un réflexe de voyeurisme en exposant les seins, mais le réflexe d’attirance rentre en conflit avec un réflexe innée de répulsion à la vue du tronc de la belle, ouvert comme pour une autopsie. Or le très esthétique figure de Botticelli renvoie également à cette œuvre, lui donnant ainsi une légitimité sans qu’il soit possible de la contester.
Peu de gens restent insensibles à l’argument d’autorité des musées qui procèdent de cette manière. Une voix officielle présentera les œuvres côte à côte, dans le même cadre ; et sous les dorures des palais, les urinoirs auront valeur de Joconde. C’est par ce procédé que le tableau, relativement hideux, trouve toute sa légitimité dans l’histoire de l’art condensée par la figure troublante et atemporelle de Botticelli. Et pour les derniers réfractaires qui n’auraient pas été conditionnés par tous ces leurres et ne comprendraient pas l’intérêt de la peinture contemporaine, l’aphorisme du « génie incompris » revient à l’esprit pour culpabiliser le sentiment de rejet qu’on aurait à la vision des œuvres de l’artiste en promotion.

Cette mise en scène procède d’une confusion intellectuelle pour relativiser toute forme d’art et nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Tant qu’à créer à partir du thème de la Vénus, on préférera les sublimes vers de Rimbaud découverts à l’âge de 12 ans, sonnant comme une attaque en règle de l’art officiel de son époque et incroyablement beaux avec des mots pourtant si laids :


Comme d’un cercueil vert en fer-blanc, une tête
De femme à cheveux bruns fortement pommadés
D’une vieille baignoire émerge, lente et bête,
Avec des déficits assez mal ravaudés ;

Puis le col gras et gris, les larges omoplates

Qui saillent ; le dos court qui rentre et qui ressort ;

Puis les rondeurs des reins semblent prendre l’essor ;
La graisse sous la peau paraît en feuilles plates ;

L’échine est un peu rouge, et le tout sent un goût

Horrible étrangement ; on remarque surtout
Des singularités qu’il faut voir à la loupe...

Les reins portent deux mots gravés : Clara Venus ;

Et tout ce corps remue et tend sa large croupe

Belle hideusement d’un ulcère à l’anus
.

Rimbaud, la Vénus Anadyomène.


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8 commentaires:

Anonymous a dit…

Ca manque sans-doute d'administration-voyou et de référence à l'oeuvre considérable de sa Discourtoise Suffisance.

French_car

Philippe Renève a dit…

Ça me fait penser à un auteur, mais lequel, je n'arrive pas à me le rappeler...

Excellent, Lapa !

lapa a dit…

héhé. dommage que l'italique des mots compliqués ne soit pas restée.
la chose amusante c'est qu'une analyse de couverture de même tonneau d'un certain PV est passée directement à la publication ce matin. Etait-elle plus d'actualité? ou plus citoyenne? qui sait?

Auteurs d'Aragovox a dit…

De Philippe D

Superbe leurre de crétinerie, qui par une mise en abyme vertigineuse, nous renvoie à l'inspirateur, génie incompris s'il en est.

La boite à outils de Popaul devrait être déclarée trésor de l'humanité (et lui-même Trésor Vivant).

Bon, fait toujours pas bon de se moquer des vedettes sur Art-Gora-Voice !

Bravo Lapa.
Philippe D"

Anonymous a dit…

Mieux vaut un bon vieux morice des famille ou un Vilach qui vont générer du trafic avec 3 ou 400 commentaires n'ayant rien à voir avec la production du jour qu'un tel article où la plupart se marrent sans rien rajouter car tout est dit. Probablement un début d'explication.

Dommage.

Ranta.

Auteurs d'Aragovox a dit…

... arf, sauf que pour nous, le nombre de commentaires n'a pas vraiment d'importance, on n'a rien à vendre !

Anonymous a dit…

Oups....j'espère qu'il n'y a pas une incompréhension au sujet de mon post.

Le dommage signifie que je regrette que l'article de lapa n'ait pas paru au profit du trafic routinier.

Ranta.

Anonymous a dit…

Comment se fait-il que le Maître n'ai pas donné son appréciation sur le travail de son disciple ?
Léon